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vendredi 3 avril 2015

La liberté d'informer... toujours moins

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© Inconnu
Alors que le projet de loi santé porté par Marisol Touraine est examiné à partir de ce mardi à l'Assemblée nationale, l'Association des journalistes de l'information sociale (AJIS) s'alarme du risque de voir les accès de la presse aux bases de données de santé publiques verrouillés. 

Après le scandale du Mediator, les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité d'imposer davantage de transparence sur le système de santé. L'article 47 du projet de loi de Marisol Touraine, en affichant la volonté d'ouvrir davantage les bases de données de santé, semblait aller dans ce sens. En plus de l'activité hospitalière déjà partiellement disponible, ce sont toutes les statistiques liées aux soins de ville qui seront rendues théoriquement accessibles. A première vue, pour la presse, c'est une opportunité formidable d'enquêter sur les dérives du système de santé, l'égalité d'accès aux soins, les dépassements d'honoraires ou la consommation de médicaments. Or, la façon dont ce texte est aujourd'hui rédigé menace gravement la liberté d'informer : l'article 47 pourrait se trouver en contradiction avec des principes fondamentaux de la loi sur la presse de 1881, comme le contrôle préalable de publication, fondement de la censure. 

En effet, l'accès des journalistes à ces bases de données, les plus riches au monde selon le ministère de la santé, pourrait préalablement faire l'objet d'un avis sur le caractère « d'intérêt public » de leur démarche. Or le travail de la presse, est, par définition, d'intérêt public, comme l'a toujours affirmé la Cour européenne des droits de l'Homme. Ce point n'est donc pas négociable. Pire, cet avis sera formulé par un groupement d'intérêt public, l'Institut national des données de santé, regroupant des représentants de l'État, des usagers du système de santé, des producteurs et utilisateurs des données de santé.
Autrement dit, les journalistes devront demander la permission d'enquêter aux personnes qui travaillent dans les institutions visées par leur investigation. En outre, quand le journaliste demandera à avoir accès à une des bases de données, un comité d'experts, dont la composition est inconnue à ce jour, statuera sur la méthodologie de son enquête voire la « pertinence » de sa requête. Plus grave, c'est devant ce même comité que « les demandeurs » devront communiquer « à la fin de la recherche, de l'étude ou de l'évaluation, la méthode et les résultats de l'analyse et les moyens d'en évaluer la validité ». En clair, faire relire leur copie.
Sont en jeu le partage du bien public que sont les données de remboursement de l'Assurance maladie et de l'hôpital, agrégées, anonymisées et non réidentifiables. Les verrous que veut imposer le gouvernement au nom de la protection de la vie privée sont à côté de leurs objectifs. En revanche, ils pourraient être utiles à tout ceux qui n'ont pas envie de voir les journalistes fouiller dans des données riches d'enseignements sur les éventuels dysfonctionnements publics.


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