Usa, Caroline du Nord.
Les camps de concentration Fema
pour les sans domiciles fixes
par Massimo Bonato
Nous disons souvent que, à la huitième année de crise économique, et face à d’inutiles tentatives globales de faire repartir « la croissance », il semble amplement démontré que nous naviguons dans une crise de surproduction. Nous rappelons aussi, avec la même fréquence, que cette expression classique doit être entendue exactement comme elle a été pensée par son inventeur : surproduction de capital. Soit non seulement de marchandises, mais surtout d’usines-ordinateurs-bureaux (capital fixe) et de force de travail humaine (capital variable).
Il nous arrive aussi d’écrire que le programme capitaliste pour gérer cette « surabondance » d’êtres humains est définissable comme un « vous devez mourir ». Il apparaît en effet évident que lorsque depuis le sommet du gouvernement ou de l’Union Européenne ou d’autres organismes supranationaux, on nous dit que « l’espérance de vie s’est allongée » et « donc » il faut augmenter l’âge de la retraite, couper la dépense sanitaire, flexibiliser les horaires et les roulements de travail et de repos, effacer les contrats à temps déterminé, éliminer les tutelles du travail, vendre les immeubles à loyer modéré, etc., on est en train de chercher à réduire les dimensions de la population.
Naturellement il est difficile de « montrer » — à une humanité désormais habituée à regarder des images plus qu’à raisonner au moyen des concepts — quelque chose qui découle nécessairement d’une série de faits, mais qui ne « se montre » pas encore dans la réalité de tous les jours. Nous ne remercierons donc jamais assez Massimo Bonato et TgValleSusa pour avoir publié l’article qui suit, corrélé par des photos et des références documentaires.
On y parle des États-Unis, soit de l’« empire de la liberté » et de l’initiative privée, le paradis des « opportunités », des « droits humains » et d’autres mots similaires qui ont pénétré de tout leur poids les lieux communs et sur lesquels il n’est plus nécessaire de raisonner ou de s’interroger.
Dans ce paradis, les « sans domiciles fixes » — les chômeurs qui ont perdu aussi leur maison et la possibilité d’avoir un revenu pour en louer une — sont enfermés dans des camps de concentration. En fait, similaires à ceux des nazis ou des camps d’enfermement des pays en guerre.
Le problème est qu’aux États-Unis il n’y a aucune guerre. Mais les sans domiciles fixes sont — tacitement ou explicitement — encadrés en tant qu’ennemis combattants. Et enfermés. Sans infraction, sans procès, sans limites temporelles.
Une force de travail en excès, pour le moment inemployable, donc « stockée » en attente de temps meilleurs. S’ils viennent. Et sinon laissée à macérer sous les aléas atmosphériques comme l’un des mille ghost town qui parsèment le panorama états-unien.
Il nous semble évident que le nombre imprécis d’emprisonnés dans les dizaines de camps de concentration Fema ne sont pas comptabilisés parmi les chômeurs et ne « pèsent » donc pas sur les statistiques officielles (le « taux de chômage » a beaucoup diminué dans les dernières années ; un peu de quantitative easing, un peu de camps et le jeu est fait).
Comme il apparaît important que beaucoup de ces camps fédéraux (soit « publics ») soient gérés par des contractors privés. Pour traiter un problème sans passer par la loi ordinaire, et en dehors de toute Constitution, qu’y a-t-il de mieux qu’une belle société privée et secrète ?
***
Voici l’article de Massimo Bonato.
Des camps Fema en Caroline du Nord, on n’en sort qu’en acceptant de se faire enfiler une micropuce sous la peau.
Aux sans-domiciles fixes détenus dans le camp Fema de la Caroline du Nord a été donné le choix de rester ou de s’en aller, mais seulement à condition que leur soit implantée une puce. La RFID (Radio-frequency identification) servirait à les mettre sous monitorage et à les maintenir sous contrôle, en échange du bénéfice de survie, nourriture, couvertures, vêtements.
La nouvelle s’est répandue, pour différentes raisons : d’abord le monitorage, et de fait la limitation des libertés personnelles d’hommes et de femmes détenus sans avoir commis d’infractions, mais seulement parce qu’il s’agit d’homeless, de sans domiciles fixes, et de sans emploi. Mais elle a fait réémerger à nouveau, aussi le problème de la gestion du chômage aux USA. Camps Fema. À ceux qui se souviennent du roman de John Steinbeck, Les raisins de la colère et le film qui s’en inspira il n’est pas difficile de s’en faire une idée.
Qu’est-ce que la Fema ?
La Fema est une agence gouvernementale (Federal Emergency Management Agency) destinée à assurer l’arrivée des secours humanitaires en situation d’urgence ; elle est née en 1978, sous la présidence Carter (Wikipedia). Une sorte de Protection civile sous la supervision du Département pour la sécurité nationale.
Après les Twin Towers de 2001, et précisément l’année d’après, le procureur général John Ashcroftannonça le désir d’avoir des camps pour les citoyens états-uniens qu’il considérait comme étant des « ennemis combattants », et que son plan « lui permettrait d’ordonner la détention pour un temps indéterminé de citoyens états-uniens et les destituer sommairement de leurs droits constitutionnels et l’accès aux tribunaux, en les déclarant ennemis combattants » (Los Angeles Times). En peu de temps elle se transforma en ce qu’elle est actuellement, et qui fait dire à truthisscary.com que la« Fema est un gouvernement secret, qui peut suspendre la loi, la constitution américaine, les droits civils ».
Son parcours est tracé par la paranoïa de la prévention : auparavant pour une attaque nucléaire, puis pour des calamités naturelles, puis pour les attaques terroristes. Aujourd’hui dans ses camps elle enferme des sans domiciles fixes.
Les camps Fema
La Fema a à sa disposition environ 800 camps délocalisés dans tous les États-Unis et peut détenir jusqu’à 2 millions de personnes : des réfugiés hypothétiques, selon sa mission. Mais pas qu’eux. La relative autonomie a conduit à une gestion pas toujours uniforme de ces camps, pour la plupart maintenus vides et prêts, par exemple en Caroline du Nord dans les années 70, pour une réclusion de masse d’activistes de couleur, au cas où ils se fussent soulevés.
Escogitur.com rappelle les mots exprimés au sujet par le chef de la Fema en 1987, Alonzo Chardy, au « Miami Herald », lequel avait rédigé un ordre exécutif justement destiné à suspendre la Constitution avec la déclaration relative de la loi martiale s’il eut été nécessaire. Un Guantanamoen plus grand, prêt entre autres à accueillir aussi des personnes de foi islamique, après les faits du 11 septembre 2001.
Les camps Fema reviennent récemment à l’honneur des chroniques, lorsque la Caroline du Norddevient l’exemple de comment seulement le vagabondage pourrait être poursuivi. En août 2013 le Columbia City Council approuve le programme de création de forces spéciales de police qui poursuivent la « quality of life ».
De fait, il s’agit de patrouilles qui, depuis octobre de la même année ouvrent les portes du camp Fema de Columbia. Ils poursuivent les sans domiciles fixes accusés de vagabondage ou surpris dans le sommeil ou à uriner contre une plante, ils les chargent sur des véhicules et les conduisent dans le camp, à quelques kilomètres de la ville.
Des sites actifs sur le front des droits humains, comme trueactivist.com, en parlent, mais peu d’autres sites en font référence. La ségrégation s’accompagne du secret. Du moins jusqu’au début de novembre de cette année, quand une équipe de la NBC se retrouve à vouloir filmer une prison abandonnée dans les environs de New York, pour un service culturel, mais sans toutefois y parvenir.L’opérateur n’a pas le temps de commencer le tournage que depuis la prison sort un gradé, qui ordonne à la NBC de s’éloigner. C’est un contractor. La prison n’est pas abandonnée, on ne peut pas filmer, et elle n’est pas gérée par un Département d’État, mais par une police privée (globalresearch.ca).
Avec entre autres l’histoire de la puce qu’on veut implanter sous la peau des sans domiciles fixes de Columbia en Caroline du Nord, les Américains ont commencé à s’intéresser à ces lieux de détention, surtout à cause du fait que le Wall Street Journal claironne un jour sur deux et met en exergue la diminution du chômage qui permettrait l’augmentation des taux d’intérêt aux USA et en Angleterre.
On passe sous silence les paramètres par lesquels le taux de chômage sont établis (sous le gouvernement Thatcher en Angleterre ils changèrent jusqu’à 37 fois !), et pour ne pas rendre compte du phénomène économique et social. Pourtant ces paramètres résultent d’un dispositif d’accréditation politique, ils sont destinés à instiller plus de confiance à l’étranger, et maintenir la stabilité à l’intérieur du pays (« Tu ne vas tout de même pas faire la révolution maintenant qu’il y a du boulot ! »).
Mais on s’interroge aussi sur quel sens donner à la « quality of life » aujourd’hui et sur la gestion de cette misère passée dans les mains de polices urbaines privées, des contractors. Pour défendre non seulement une esthétique métropolitaine, un fossé social évident apparaît, des gens sont enfermés dans des résidences fermées, des quartiers équipés de surveillance armée, clôtures et barbelés, afin de les garder dehors et non au sein de la société. Il semble qu’on veuille ségréguer pour ne pas éveiller de malaise dans la population et pour garder les rues propres.
« Mais est-ce une telle Amérique que nous voulons ? » se demandent beaucoup de gens.
Par Massimo Bonato - blogs.mediapart.fr –
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