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samedi 27 décembre 2014

Triomphe, sang-froid : les chances de la guerre économique


© Inconnu
Différence nette de ton entre pouvoir et commentateurs pro-américains, exultant devant les difficultés économiques de la Russie, prélude à un inévitable alignement de Moscou sur les exigences de Washington afin d'éviter un effondrement économique, et le sang-froid et la modération apparente des réactions du pouvoir russe. Lequel est justifié, le triomphe ou le sang-froid ? Quelles sont les chances de réussite de la guerre économique mise en place par les Etats-Unis et leur mouvance contre la Russie ? 

Trompettes triomphales d'un côté, sang-froid de l'autre 

Non seulement la puissance américaine, mais encore tout un commentariat - pour ne pas parler du lumpencommentariat - opine que les difficultés du rouble sont le signe non seulement de l'efficacité des instruments de guerre économique mis en œuvre par les États-Unis, mais encore de l'écroulement des rêves de puissance du président Poutine, prélude peut-être à l'effondrement de l'économie russe, en tout cas à la défaite de Moscou punissant justement les écarts de conduite commis en Ukraine. Et pour qui donc se prenait la Russie à ne pas capituler sur la défense de ses intérêts, quand l'Hégémon lui-même avait parlé ? 

On pourra lire un exemple remarquable de ce genre d'analyse sous la plume d'Ambrose Evans-Pritchard, toujours aussi bien informé, mais dont la sérénité d'analyse habituelle semble comme obscurcie par les circonstances politiques de l'affrontement. Voir "La semaine où le barrage a cédé en Russie, mettant fin aux rêves de Poutine" (article du Daily Telegraph, texte en anglais) 

Certes, un taux de change qui perd brutalement 30 ou 40% comme le 16 décembre dernier, c'est impressionnant. Et la réaction annoncée par Poutine peut apparaître modérée, donc insuffisante devant la gravité de l'heure : augmentation du taux directeur de la banque centrale, préservation des réserves de change, appel à rapatrier leurs bénéfices adressé aux Russes les plus riches. Mais où sont les contrôle des changes, répudiation des dettes aux institutions appliquant les sanctions financières illégales, passage au rouble voire à l'or pour le commerce de matières premières, chasse aux sorcières contre les plus libéraux du gouvernement ? Pourquoi tant de sang-froid, enfin ? 

Peut-être tout d'abord parce que c'est dans la manière du président russe. 

Parce que cela s'accorde bien avec un affrontement que la direction russe estime devoir être de longue haleine. 

Parce que c'est cohérent avec la politique suivie jusqu'ici dans la crise ukrainienne, de ne rien céder aux intérêts fondamentaux de la Russie mais de ne jamais aller trop loin, bien au contraire de choisir semble-t-il systématiquement la réaction minimale compatible avec la défense des intérêts russes. Ceci afin sans doute de donner une chance, voire plusieurs, aux plus modérés d' "en face", également afin d'apparaître comme celui qui est en permanence prêt à l'accalmie et au compromis et ne réagit que contraint et forcé car il reçoit rebuffade sur rebuffade.

Et le public visé est le Monde, car le soutien des puissances non occidentales, qui n'ont guère d'intérêt dans le fond de la querelle ukrainienne, n'est probablement accordé à la Russie qu'autant qu'elle se montre le plus responsable des adversaires, celui qui recherche la stabilité qui a les suffrages de toutes les puissances émergentes car elle est une condition de leurs progrès. Stabilité qui au contraire n'intéresse guère Washington... et pour précisément la même raison. Et Moscou a intérêt à ce que le contraste entre elle et Washington sur ce point soit aussi criant que possible.
Et enfin pour une raison toute simple : c'est que la situation de l'économie russe n'est pas si grave que cela ! 

L'économie russe, le gros dos et la robustesse sous l'orage 

La vulnérabilité principale de l'économie russe est celle de la dette extérieure libellée en dollar et en euro des entreprises russes - de l'ordre de 700 milliards de dollars. Plus précisément du refinancement progressif de la partie de cette dette qui arrive à échéance. Sachant que ce refinancement est bloqué par les sanctions américaines qui reviennent à interdire à toutes les banques dans le monde entier d'y participer, sous peine de voir attaquées leurs activités aux États-Unis. Tel est l'instrument de guerre économique décrit notamment par Evans-Pritchard dans le texte cité plus haut, celui qui doit permettre dans les mots de l'un de ses créateurs de "mettre des pays entiers à genoux, sans tirer un seul coup de feu". 

Il est permis de faire l'hypothèse que la Russie sera dans l'obligation de mobiliser ses réserves pour pallier aux banques internationales refusant de refinancer les dettes en dollar et euro. Ce qui reviendrait à utiliser ces réserves pour financer l'économie du pays. Ce qui est possible y compris à long terme étant donné que la Russie continuera à moyen / long terme à avoir une balance des paiements excédentaires du fait de ses exportations de pétrole et gaz et du fait de la remontée du prix du pétrole à court / moyen terme. Une condition : que tous les capitaux ne sortent pas du pays, d'où la nécessité soit d'établir des contrôles de capitaux ce que refusait Poutine dans son discours la semaine dernière - c'est que le président russe est un libéral, il ne faut pas l'oublier - soit de stabiliser la monnaie... d'où la remontée brutale des taux d'intérêt, évidemment. 

La Federal Bank avait appliqué une stratégie similaire en 1980/81 sous la direction de Paul Volcker - les taux grimpant jusqu'à 20% ! - aboutissant effectivement à maîtriser les attentes d'inflation, l'inflation elle-même et à faire remonter - grandement - la valeur du dollar. Au prix d'une récession assez prononcée en 1982, qui n'empêcha pas le Great Communicator, alias président Reagan, de célébrer dès ce moment le grand "retour de l'Amérique" (qui en réalité n'était bien sûr jamais partie !) dans un contexte d'exacerbation de la fierté nationale et du danger posé par un ennemi extérieur diabolisé (l'Union soviétique en l'occurrence). 

Toute ressemblance avec la stratégique de communication déjà bien affirmée et promise à être encore développée dans les mois à venir par un certain ancien agent du KGB nommé Vladimir... ne devrait pas surprendre outre mesure. L'Union soviétique moderne dans la version du président russe ayant pour capitale... eh oui, Washington ! 

La Russie peut adopter cette stratégie puisque à la différence des pays occidentaux, notamment - surtout - les États-Unis, sa dette publique est très faible - 15% du PIB, à comparer à 80% en Allemagne, 90 à 100% en France et au Royaume-Unie, 130% aux États-Unis, 140% en Italie... - si bien que le fort renchérissement du coût du refinancement de cette dette du fait de l'augmentation brutale des taux d'intérêt ne menace pas la solvabilité de l'État. 

Le gouvernement russe semble d'ailleurs de plus envisager une baisse des dépenses publiques de façon à limiter le passage dans le rouge des finances publiques... tandis qu'en Occident les finances publiques sont entre le rouge et l'écarlate suivant les pays, et ce depuis de nombreuses années. A côté de Vladimir Poutine, la chancelière allemande Angela Merkel apparaît bien comme une irresponsable dépensière... 

Quelques chiffres, un petit scénario Khodorkovski et un minuscule détail pékinois 

- La remontée des taux d'intérêt décidée par le directeur de la Banque centrale russe Elvira Nabiullina permet de lutter contre la chute de la monnaie sans davantage perdre des réserves de change. Il faut noter aussi qu'un taux d'intérêt élevé récompense petit à petit ceux qui laissent longtemps leurs fonds en roubles, tandis que dépenser les réserves récompenserait rapidement ceux qui se séparent de fonds en roubles. 

- Le total des remboursements prévus en 2015 d'entreprises et banques russes en direction de l'étranger est de 125 milliards de dollars. Une partie en sera probablement prise en charge par la Banque centrale russe, achetant des obligations des banques et entreprises les plus vulnérables. Ce qui certes diminuera les 416 milliards de dollars auxquelles sont rendues les réserves en devise étrangère, après les 80 milliards brûlés en vain pour défendre la monnaie jusqu'à mi-décembre et aboutissant en fait dans les poches de spéculateurs. 

Sans doute le niveau des réserves diminuera-t-il à court terme, mais elles seront renflouées à court / moyen terme lors de la remontée du prix du pétrole - ceci sans oublier que le prix du gaz, étant fixé dans des contrats pluriannuels, ne diminue pas quant à lui ! Remontée qui ne peut pas tarder des années... il est d'ailleurs à remarquer que le prix moyen du pétrole en 2014 restera au-dessus de 100 $ car la baisse est arrivée surtout en fin d'année. Le prix moyen du pétrole en 2015 lui... n'est pas prévisible. Si le scénario d'un prix bas maintenu pendant l'année ne se réalise pas, les problèmes que les sanctions occidentales posent à la Russie en seront largement allégés. 

- A noter également qu'une partie de la dette extérieure des entreprises et banques russes est due à des institutions étrangères... dans les mains de riches Russes. Montages fiscaux et autres délices... D'où l'appel de Poutine à un rapatriement des fonds à l'étranger et la mise en place d'une amnistie totale à cet effet. Si cet appel réussit même en partie, surtout aux prix bradés auxquels se retrouvera l'économie russe du point de vue d'un détenteur de dollars et d'euros... la dette extérieure des entreprises russes diminuera mécaniquement, diminuant la charge de cette dette. 

- Y aura-t-il réticence de la part de trop d'oligarques à choisir la voix de la Mère Patrie quant à leur conscience, et la voie de la Mère Patrie pour ce qui est de leurs capitaux ? Peut-être... mais dans ce cas, il est permis d'imaginer un scénario Khodorkovski - bis. Car lorsque l'oligarque du même nom s'est brutalement trouvé embastillé c'était bien à cause de menues peccadilles consistant à planifier la prise de contrôle des ressources en pétrole russes par des intérêts étrangers, et le coup porté à un seul d'entre eux a bien suffi à enseigner aux autres oligarques la règle définie par le Kremlin "Enrichissez-vous, mais ne vous mêlez de rien de stratégique ni de politique". 

Si le rapatriement des capitaux russes placés en dollars et en euros à l'étranger devenait indispensable à l'économie russe - ce qui n'est probablement pas le cas, du moins pas encore - il n'y a guère de raison de douter que Vladimir Poutine saurait définir une nouvelle règle pour les 110 personnes qui possèdent 35% du patrimoine russe, par exemple "Enrichissez-vous, mais en Russie s'il vous plaît". Et surtout à trouver des arguments propres à convaincre les éventuels récalcitrants. 

- Naturellement la position de la Chine doit être citée, exprimée publiquement et sans ambiguïté par son ministre des affaires étrangères Wang Yi (article du South China Morning Post, en anglais) Car s'il y a bien des raisons de s'attendre à ce que la "capacité" et la "sagesse" de la Russie - les mots employés par Wang Yi - soient largement suffisantes à résister à la tempête financière pourtant la plus puissante que puisse déclencher Washington, Pékin tient à lever tout doute résiduel qui pourrait subsister : la Chine aidera la Russie si besoin est. 

C'est que la Chine aussi est puissance indépendante, et de calibre économique et surtout de solidité politique suffisante pour se moquer éperdument de tout interdit américain sur le refinancement des entreprises et banques russes, qui fait si peur aux Européens prompts à payer des milliards pour le pardon de toute faute passée - voir la lamentable affaire BNP qui voit la France accepter le racket de sa plus grande banque par Washington à hauteur de 9 milliards de dollars, alors qu'aucun délit n'avait été commis. 

Refinancer une banque ou une entreprise russe, c'est en réalité une opération rentable ! C'est bien pourquoi la Russie n'avait aucun problème sur ce plan avant que la politique de Washington ne s'en mêle. Alors si la Chine participe à l'avenir à ce refinancement, l'opération ne lui coûtera rien et aura de nombreux avantages :

- Solidifier la relation avec Moscou, qui deviendrait son obligée

- Envoyer un message fort à Washington comme quoi la politique financière chinoise n'est pas décidée par l'Amérique

- Affermir la Russie et l'encourager dans sa politique, non seulement d'aider la Chine de plusieurs manières - gaz à prix d'ami, défense antiaérienne dernier cri - mais aussi de jouer le rôle d'un éclaireur avancé contre le système monétaire et financier dominant - privilège exorbitant du dollar, rôle central du FMI contrôlé par les Occidentaux au premier chef Washington. Système qui gêne la Chine mais qu'elle ménage, préférant préparer tranquillement son remplacement à terme, grâce notamment à des achats massifs d'or, mais sans l'attaquer de front. De ce point de vue, Moscou par son activisme anti-dollar en réaction à la guerre économique menée par Washington joue le rôle d'une troupe de cavalerie légère qui harcèle l'adversaire et fixe son attention en permettant au gros des troupes d'avancer discrètement.
Pékin l'a affirmé désormais publiquement, "fort et clair" : la cavalerie légère est avancée, voire peut-être aventurée, mais elle n'est pas seule. Les gros sont là, et ils ne permettront pas qu'elle soit mise en difficulté.

Source trouver:
Sott

3 commentaires:

  1. je viens de terminer le livre de Paul Ponssot, je pense qu'il serait grand temps que tous les présidents et chefs d'état soient arrêtés ainsi que leurs ministres, direct la prison

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  2. Poussés par la cabale financière mondialiste ,qui est en grande partie pilotée par les banques et le lobby sioniste ,Obama et l'Arabie Séoudite ,cherchant à affaiblir la Russie ,l'Iran et la Chine ,risquent ,par leur aveuglement ,de mener le monde à la trosième guerre mondiale !

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  3. Anonyme du 27 décembre, je suis du même avis...

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