Une entreprise a accordé 750.000$ à une famille américaine qui la poursuivait pour des problèmes de santé. Un geste qui aurait un prix : celui de son silence sur la question de la fracturation hydraulique, enfants compris. Au lendemain de la révélation de cette information, l'entreprise conteste une partie des faits.
L'industrie du gaz de schiste achète-t-elle le silence des enfants américains ? Un accord à l'amiable sanctionné par la justice entre une compagnie exploitant le précieux gaz en Pennsylvanie et un couple qui la poursuivait pour des problèmes de santé, interdit au couple et à leurs deux enfants d'évoquer cette industrie en public, révèle le journal Pittsburgh Post Gazette.
La famille Hallowich réside dans l'est des États-Unis, dans l'État de Pennsylvanie. Plus précisément dans la région du « Marcellus Shale », du nom d'un des principaux gisements de gaz de schiste américains.
Une véritable mine d'or qui attire depuis des années les entreprises d'une industrie en pleine expansion. Un cauchemar pour les Hallowich. Car ces derniers vivent désormais à proximité de quatre forages, de stations de compression de gaz naturel et d'un système de bassins d'eaux d'égout. Un dispositif nécessaire pour la fracturation hydraulique, technique controversée d'exploitation du gaz de schiste et jugée hautement polluante par les associations écologistes.
Brûlure aux yeux, maux de tête, douleurs à la gorge... Les Hallowich craignent pour la santé de leurs enfants. Le couple attaque alors la compagnie pétrolière Range Resources, affirmant que les produits chimiques utilisés pour le forage de puits près de leur ferme ont eu des conséquences sur leur santé. Mais, comme souvent aux États-Unis, le contentieux débouche sur un accord amiable : la famille Hallowich cède à la compagnie son domicile contre la somme de 750.000$. De quoi acheter un nouveau logement et démarrer une nouvelle vie.
Les enfants réduits au silence jusqu'à la fin de leurs jours
Mais cet accord, signé en 2011, a un prix : celui du silence. L'accord contient un « gag order », littéralement une «injonction de bâillonnement ». Jusqu'à la fin de leur vie, il sera ainsi interdit aux parents d'évoquer publiquement la fracturation hydraulique ou le « Marcellus Shale ». Jusque-là, rien d'anormal : ce type de clause est fréquent dans ce genre de litige.
Problème, l'accord s'applique également aux deux enfants du couple, âgés de 7 et 10 ans : une exigence de la compagnie Range Resources qui étonne l'avocat de la famille Hallowich :
« En 30 ans de pratique, je n'ai jamais vu une telle requête »
, a assuré Peter Villari au juge chargé de valider l'accord. Les parents, qui représentent légalement leurs enfants mineurs, ont donc été contraints de sacrifier leur liberté d'expression, garantie par le sacro-saint premier amendement de la Constitution américaine.
« Pour la sécurité et la santé de nos enfants, nous devions les retirer de cet endroit »
, se justifie leur mère. Reste désormais à s'assurer que les enfants sauront tenir leur langue. Pas facile, alors que la famille vit toujours en Pennsylvanie, région reine du gaz de schiste, qui génère de nombreux emplois.
« Nous pouvons les prévenir de ce qu'ils peuvent dire ou ne pas dire. Mais lorsqu'ils sont dans la cour de récréation... »
, s'inquiète déjà leur père, Chris Hallowich. Devant le tollé provoqué par l'affaire, l'entreprise Range Resources a démenti les informations du Pittsburgh Post Gazette, pourtant basées sur un compte-rendu d'audience du tribunal de Washington :
« Il n'a jamais été question d'appliquer l'accord aux enfants, mais seulement aux parents. Il n'est pas fait mention des parents dans l'accord »
, a déclaré son porte-parole, Matt Pitzarella. Des déclarations accueillies avec méfiance par l'avocat de la famille Hallowich :
« C'est peut-être leur position aujourd'hui, à cause des répercussions dans la presse. Mais ce n'était pas leur position face au juge durant l'audience, tel que formulée par leur avocat M. Swetz »
Ce culte du secret qui entoure le gaz de schiste est dénoncé par les associations écologistes. À leurs yeux, il témoigne d'une volonté des compagnies de cacher les preuves des problèmes de l'impact écologique de son exploitation.
Par Paul Chaulet
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