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vendredi 1 février 2013

Un poison radioactif dans nos smartphones…


Métaux indispensables à nos appareils électroniques, les terres rares sont à l’origine d’une catastrophe environnementale dans les pays où elles sont traitées. Reportage en Malaisie.
Un après-midi de la fin du mois de février 2012, je m’arrête dans une station essence de la petite ville malaisienne de Bukit Merah. Mon guide me prévient que le gérant a la réputation d’être un grippe-sou. Nous sommes venus lui poser des questions sur un sujet qu’il n’aime pas aborder : le travail qu’il faisait dans les années 1980 quand il était propriétaire d’une société de transport routier. Il avait obtenu un contrat avec Asian Rare Earth, une usine locale codétenue par Mitsubishi Chemical, qui fournissait des minéraux rares au secteur de l’électronique grand public. 
Asian Rare Earth lui offrait 3 fois ce que lui rapportaient ses autres clients. Il devait uniquement évacuer des déchets loin de l’usine, sans que personne ne lui dise où ni comment s’en débarrasser. Parfois, on nous disait que c’était de l’engrais, alors on emmenait ça dans des fermes du coin, m’explique-t-on. Comme mon oncle cultivait des légumes, je lui en déposais une partie.”
Il est aussi arrivé que les responsables de la raffinerie lui donnent ce qui était censé être de la chaux vive, un des camionneurs avait même peint sa maison avec. “Il avait trouvé ce produit parfait, car il repoussait les moustiques et les souris.”
Opération de nettoyage
En réalité, Hew Yun Tat et ses employés transportaient des déchets toxiques et radioactifs, ce qu’ils ont découvert un an plus tard lorsque Asian Rare Earth a voulu construire une décharge dans une ville voisine. Là-bas, les habitants s’y sont opposés et un compteur Geiger leur a permis de découvrir que le taux de radioactivité était três élevé, parfois 88 fois plus que les taux autorisés par les normes internationales. En 1985, les habitants ont lancé une action en justice qui a poussé le gouvernement à fermer l’usine jusqu’à ce qu’Asian Rare Earth procède à un nettoyage.
Mais les villageois étaient inquiets. Des femmes qui vivaient près de l’usine avaient fait des fausses couches, d’autres avaient donné naissance à des enfants chétifs, aveugles ou frappés de maladies mentales. Certains souffraient de leucémie.
L’administration a fait savoir aux habitants que les déchets faisaient l’objet d’un retraitement adapté. Pourtant, en 2010, un journal local s’est rendu à la décharge d’Asian Rare Earth et a trouvé 80 000 bidons contenant près de 16 millions de litres d’hydroxyde de thorium, un produit radioactif.
Cette année-là, Mitsubishi Chemical a lancé la construction d’un espace de stockage souterrain et sécurisé pour entreposer les déchets de son ancienne filiale. (…)
C’est mon iPhone qui m’a conduit en Malaisie. Je savais déjà que son allure élégante cachait une histoire problématique. J’avais lu des articles sur les usines d’Apple en Chine où des adolescentes passent quinze heures par jour à nettoyer des écrans avec des solvants toxiques. Toutefois, j’ignorais la genèse de mon téléphone avant qu’il ne soit assemblé. J’ai découvert que son parcours louche avait commencé bien avant son arrivée dans une usine chinoise.
Les éléments qui servent à fabriquer tous nos gadgets high-tech sont issus d’un secteur peu reluisant, qui permet aux pays riches d’extraire les précieuses ressources des États pauvres, pour ensuite les laisser se charger du nettoyage.
“Plus jamais ça.”
On l’entend souvent à Bukit Merah, dont les habitants subissent depuis 20 ans les conséquences des décisions prises par Asian Rare Earth. Mais le gouvernement malaisien n’est pas de cet avis. En 2008, il a autorisé une entreprise australienne, Lynas Corporation, à ouvrir une raffinerie de terres rares sur la côte est du pays. L’extraction aura lieu en Australie, mais le raffinage se fera à Kuantan, une petite ville tranquille au bord de la mer. Une fois construite, cette usine sera la plus grande de sa catégorie et subviendra à 20 % de la demande mondiale en terres rares.
Pour le gouvernement malaisien, l’arrivée de Lynas est l’occasion de devenir un acteur de 1er plan dans l’une des industries les plus lucratives et dynamiques du monde. Le secteur représente actuellement 10 milliards de dollars. Selon un rapport publié récemment, la demande devrait augmenter de 36 % d’ici à 2015.
Les 17 métaux remplissent souvent des fonctions à la fois spécifiques et cruciales. Ces éléments entrent dans la fabrication des aimants les plus puissants. Grâce à eux, votre smartphone a une puissance de calcul qui aurait nécessité un volume considérable de matériel il y a 30 ans, mais qui tient aujourd’hui dans la paume de votre main.
Ils sont aussi indispensables à toutes sortes de technologies écologiques : on trouve du néodyme dans les éoliennes et les voitures électriques contiennent souvent jusqu’à neuf sortes de terres rares. L’yttrium permet de former des composés grâce auxquels les écrans à LED et les ampoules fluorescentes émettent de la lumière.
Risque d’infiltration
Le problème, c’est que ces métaux se trouvent toujours en présence d’éléments radioactifs comme le thorium et l’uranium, et les séparer en toute sécurité est un processus complexe. Les mineurs se servent d’équipements lourds pour atteindre le minerai brut, susceptible de contenir 3 à 9 % de terres rares, selon les gisements.
Le minerai est ensuite transporté jusqu’à une raffinerie pour être “cassé” : les ouvriers utilisent de l’acide sulfurique pour obtenir une espèce de mixture liquide. La procédure nécessite une quantité phénoménale d’énergie et d’eau (de quoi alimenter 50 000 logements) et l’équivalent en eau de deux piscines olympiques par jour. (…)
Si les bassins de résidus où les éléments radioactifs sont stockés définitivement ne sont pas équipés d’un bon revêtement, les substances risquent de s’infiltrer dans les nappes phréatiques. Si ces bassins ne sont pas correctement recouverts, la boue risque de sécher et de se disperser sous forme de poussière. Sans compter que ces déchets radioactifs doivent être stockés pour une éternité, puisque la période radioactive est de 14 milliards d’années pour le thorium et de 4,5 milliards d’années pour l’uranium.
Pour rappel, la planète Terre existe depuis 4,5 milliards d’années. Ce n’est pas un hasard si les raffineries sont installées dans des régions où les normes environnementales sont laxistes, donc à moindre frais. Tout ça pour que mes amis et moi puissions trancher un débat sans bouger de nos tabourets de bar.
(…)

Pour lire la totalité de cet article de Kiera Butler, publié par courrierinternational.comcliquer ICI
Auteur : Kiera Butler
Article relayé par : kannie

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