De la désaméricanisation théorique à la mise en pratique. Voilà l'un des phénomènes financiers majeurs auquel nous assistons sans que, pour le moment, ses conséquences ne soient encore trop visibles. Pourtant, tout semble se mettre en place et encore une fois, l'arrêt des QE (les quantitative easing, c'est-à-dire les injections de liquidités de la Banque centrale américaine, la FED, via des rachats de dettes soit bancaires soit du Trésor américain) est assez surprenant pour ne pas dire totalement incroyable.
Souvenez-vous. Il y a quelques mois, au plus fort du psychodrame sur le relèvement du plafond de la dette US et sur les blocages politiques au Congrès américain, alors que les États-Unis connaissaient un « shutdown », la Chine mettait en garde presque officiellement les USA et indiquait d'une manière forte qu'elle allait passer à l'étape de désaméricanisation de sa propre économie en essayant de réduire son exposition à la dette américaine et au dollar américain.
La Chine, premier détenteur mondial de dette US, a pour le moment utilisé 3 leviers pour concrétiser sa politique de désaméricanisation.
Le 1er est basé sur des achats massifs d'or métal livré physiquement en Chine qui est devenu en moins de 3 ans ni plus ni moins que le premier consommateur d'or mondial devant l'Inde. C'est la Chine et ses achats massifs qui ont soutenu les cours de l'or durant la phase de correction importante de l'année 2013 et qui, désormais, depuis le début de l'année 2014, pousse à nouveau les cours à la hausse.
Le 2e pilier est basé sur la multiplication des accords bilatéraux de changes pour commercer en yuan (la monnaie chinoise) et réduire la part du commerce extérieur chinois réalisé en dollar. De tels accords d'échanges de devises se sont multipliés tout au long de l'année 2013 et se sont amplifiés depuis le dernier trimestre 2013. Même la Chine et le Japon, dont pourtant les relations peuvent être tendues, ont signé un tel accord.
Le 3e levier consiste, quant à lui, en ce que la Chine utilise ses réserves de changes en dollars pour acheter des actifs à l'étranger comme des entreprises aux USA ou en Europe (pensez par exemple à la prise de participation dans PSA, au rachat de Volvo ou encore au méga-programme immobilier en Californie). Dans ce cas, la Chine échange du papier monnaie (dollar en l'occurrence) contre des actifs réels.
Il existe un 4e levier très difficile à manier sans déstabiliser le plus gros marché à savoir celui des obligations souveraines et au premier chef, celui des bons du Trésor US. Encore une fois, la Chine est le plus gros détenteur de dette américaine... Pour désaméricaniser réellement, encore faudrait-il que Pékin se débarrasse de ses montagnes de bons du Trésor américain... ce qui, du point de vue de Washington, pourrait presque être considéré comme un acte de guerre. Je ne pensais pas que les Chinois commenceraient aussi rapidement à liquider leur part de dette US en raison de risques géopolitiques qu'une telle décision leur ferait prendre. Et pourtant nous venons d'apprendre que les Chinois se débarrassent bel et bien et massivement de la dette américaine qu'ils détiennent !
En décembre 2013, la Chine a revendu pour 48,8 milliards de dollars de dette US
C'est une dépêche de l'agence de presse financière Bloomberg du 19 février dernier passée inaperçue et presque pas commentée qui a vendu la mèche.
« La Chine, le plus important des créanciers étrangers américains, a réduit considérablement sa détention de bon du Trésor US (plus forte réduction en deux ans) alors que la Federal Reserve (la FED) a annoncé qu'elle réduisait ses plans de rachats d'actifs. »
Tout ou presque a été donc laconiquement résumé dans ces deux lignes et demie de l'Agence Bloomberg. En effet, la Chine a revendu en décembre 2013 pour presque 50 milliards de bons du Trésor américain alors qu'au même moment, la FED (la Banque centrale américaine) réduisait, elle, ses propres achats directs de dette américaine...
Une situation explosive sur le marché international obligataire
Il est évident, et là est la grande question, que la conjonction d'une réduction des rachats de dette US par la Banque centrale américaine elle-même et une vente massive de ses bons du Trésor par la Chine est une situation tout simplement explosive sur le marché obligataire mondial ! Un tel mouvement n'est tout simplement pas supportable... en tout cas si ces deux phénomènes devaient s'avérer durables.
De deux choses l'une. Soit il s'agit d'un simple coup de semonce de la part des autorités de Pékin et dans ce cas la Chine, à défaut d'augmenter encore sa position en dette américaine, maintiendra peu ou prou son exposition actuelle, soit la Chine a véritablement décidé de balancer tous les mois pour 50 milliards de dette US et dans ce cas, il va falloir que le marché mondial les absorbe, ce qui est évidemment impossible puisque les USA émettent de leur côté tous les mois pour plusieurs milliards de nouvelles dettes... C'est la raison précisément pour laquelle la FED rachetait massivement les dettes de son propre gouvernement. Il n'y avait pas assez d'acheteurs pour financer la dette américaine en plus à un prix bas (à 10 %, tout le monde voudra prêter à l'Oncle Sam, à 2,8 % à 10 ans, il y a nettement moins de volontaires !).
Cela veut dire que si la politique chinoise de revente est durable... alors la FED devra reprendre sa politique de création monétaire et racheter à nouveau massivement et sans doute encore plus qu'avant des obligations de l'État américain. Dans un tel cas, la réduction des QE ne pourra pas être durable et Janet Yellen devra changer rapidement de direction.
Où sont passés les 50 milliards vendus par les Chinois ?... En Belgique !
Non mes chers amis, ce n'est pas la dernière blague belge, bien que cela y ressemble furieusement. Évidemment, lorsque j'apprends que la Chine vient de revendre pour 50 milliards de dollars de bons du Trésor, je me demande où est allé l'argent et qui a été l'acquéreur...
C'est une autre source parfaitement officielle puisqu'il s'agit du Département américain du Trésor lui-même qui nous apprend, dans son tableau de suivi des principaux détenteurs étrangers de bons du Trésor, qu'effectivement la Chine réduit son exposition d'environ 50 milliards alors qu'au même moment, en 4e position se classe désormais la Belgique (qui vient de faire la plus irréelle des remontées dans le classement du Département du Trésor) puisque la Belgique a passé sa position, tenez-vous bien, de 200 milliards à 250 milliards en un mois... ce qui est un accroissement considérable.
Alors pourquoi la Belgique ? Pour tout vous dire, mystère et boule de gomme, aucune idée. D'ailleurs s'agit-il de la Belgique, de la Banque centrale de Belgique ou encore des Belges ? (Non, ce ne sont pas les Belges qui se sont mis à acheter des obligations américaines en même temps que chaque plat de moules frites...) Il se peut aussi que ce soit l'Europe puisqu'à Bruxelles... il y a la Commission européenne et tout un tas d'officines (sans oublier quelques grosses chambres de compensation assez opaque comme Euroclear). Bref, pour le moment, aucun fait mais beaucoup de supputations et d'hypothèses. Ce qui est avéré en revanche c'est que c'est bien via la Belgique que la vente des chinois a été absorbée et c'est bien la Belgique dont la part augmente dans le récapitulatif du Trésor (lien en annexe) significativement puisque sur 12 mois... sa détention double presque ce qui est colossal. Il se passe donc bien quelque chose et la Belgique est la plaque tournante de cette affaire.
Ce qui est sûr, c'est que les 50 milliards chinois ont été absorbés par nos amis Belges que je remercie chaleureusement de leur sacrifice financier car je préfère ces bons du Trésor en Belgique qu'en France. Il va donc falloir surveiller comme le lait sur le feu les évolutions du marché obligataire car si la Chine continue son largage massif de bons du Trésor... ce ne sont pas nos pauvres amis Belges, aussi sympathiques soient-ils, qui pourront remplacer l'acheteur chinois devenu vendeur massif...
Mais pour faire durer le système encore un peu plus en profitant de leur « pouvoir de persuasion », nos grands amis les Américains risquent de forcer quelques nations à acheter encore plus de leur dette moisie... et la France, grand ami des Zaméricains avec François qui a eu le tapis rouge d'Obama, devrait bien finir par se laisser tenter et faire un sublime chèque à l'Oncle Sam sur le dos des Français et des con-tribuables que nous sommes tous devenus. Nous attendons donc avec impatience pour voir si le stock de dette US détenu par la France évolue à la hausse (plus 3 milliards au dernier pointage, comme pour les Allemands).
Comprenez bien que ce genre d'information doit impérativement vous aider à prendre conscience que le système économique mondial tel que nous le connaissons est à bout de souffle, ce qui implique de manière logique que vous devez vous préparer à des bouleversements majeurs... ce qui n'empêche nullement d'espérer le meilleur pour chacune et chacun de nous.
Restez à l'écoute. À demain... si vous le voulez bien !!
Par Charles Sannat
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Notes
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