New Delhi, correspondant régional. L’affaire traîne depuis quatre ans, mais le Parti du Congrès (centre gauche), au pouvoir à New Delhi, a brutalement décidé de hâter le pas. Mercredi 3 juillet, le gouvernement indien a adopté une ordonnance prévoyant d’étendre à 67 % de lapopulation – soit 800 millions de personnes – un dispositif de sécurité alimentaire existant déjà dans des proportions plus réduites.
L’Inde compte des centaines de millions de personnes mal alimentées, avec des répercussions graves en termes de santé, de développement et d’éducation.
Cher au cœur de Sonia Gandhi, la présidente du Parti du Congrès qui se pose en conscience sociale de ce mouvement, ce programme allouera par mois et par famille – en fonction des revenus du foyer – entre 15 kg et 35 kg de riz, de blé et de millet à des prix subventionnés. Les trois quarts de la population rurale et la moitié des urbains seront concernés par ce plan ambitieux de solidarité, qui tombe à point nommé alors que le pays est entré en précampagne électorale.
Les Indiens seront appelés à voter au printemps 2014 pour le renouvellement de l’Assemblée nationale, mais l’hypothèse d’une convocation d’élections anticipées enfièvre déjà la scène politique. L’exhumation subite de ce projet de loi sur la sécurité alimentaire, enlisé dans les sables parlementaires depuis quatre ans – il avait été une promesse solennelle du Parti du Congrès lors de la campagne de 2009 –, n’a fait qu’enflammer la rumeur sur une possible accélération du calendrier.
« TRUC POLITIQUE PRÉCIPITÉ »
Discrédité par le ralentissement de l’économie – le taux de croissance a décéléré à environ 5 % – et la multiplication de scandales de corruption, le Parti du Congrès flatte ostensiblement l’électorat populaire pour redorer son blason. L’opposition du Bharatiya Janata Party (BJP, droite nationaliste hindoue) n’a d’ailleurs pas tardé à dénoncer dans la dernière annonce gouvernementale « un truc politiqueprécipité ».
L’idée de renforcer le dispositif de la sécurité alimentaire s’est imposée comme de plus en plus pressante à partir du milieu des années 2000, alors que de nombreuses études montraient que le niveau de malnutrition demeurait très élevé en Inde en dépit de l’émergence économique du pays. En 2012, une étude de la Naandi Foundation avait fait sensation en évaluant à 42 % la proportion d’enfants âgés de moins de 5 ans souffrant d’insuffisance pondérale et à 59 % la proportion de ceux souffrant de retards de croissance « modérés » ou « sévères ». Le premier ministre, Manmohan Singh, avait alors qualifié ces chiffres de « honte nationale ».
Certes, cette proportion se réduit au fil du temps, mais l’Inde est bien plus lente en matière de rythme d’amélioration de ses indicateurs sanitaires que des pays à la trajectoire économique comparable telle la Chine. Surtout, elle affiche des résultats bien pires que ceux de l’Afrique subsaharienne, où le niveau de malnutrition des enfants est inférieur d’un tiers voire de la moitié, à en croire la Banque mondiale.
L’ordonnance gouvernementale de mercredi, si elle accélère la procédure, ne pourra pas faire l’économie d’une ratification par le Parlement, ce qui promet des débats houleux. Dans le climatpréélectoral ambiant, l’opposition n’ose pas trop attaquer le programme sur le fond – préférant dénoncer la méthode –, mais des voix s’élèvent chez les économistes libéraux et les milieux d’affaires pour s’inquiéter de la facture en termes de déficit budgétaire, voué à se creuser.
PLAN D’ENVIRON 20 MILLIARDS DE DOLLARS
Selon les diverses estimations circulant dans la presse, l’Etat devra débourser pour ce plan environ 20 milliards de dollars (15,5 milliards d’euros), soit une augmentation d’un tiers par rapport au système existant.
Sur son flanc gauche, le Parti du Congrès est plutôt critiqué pour avoir édulcoré une version originale plus audacieuse. De leur côté, les experts appellent à remettre à plat un système qui a déjà prouvé son inefficacité en raison de la gabegie qu’il autorise. Entre l’approvisionnement de l’Etat auprès des agriculteurs – bénéficiant de prix subventionnés – et l’accès des consommateurs à ces produits bon marché s’est mise en place une chaîne d’intermédiaires ayant perverti le système.
Selon un article de Kirit Parikh paru le 16 mars dans l’hebdomadaire Economic and Political Weekly, 10 % seulement du montant des subventions gouvernementales ont réellement bénéficié aux plus pauvres. La différence se répartissait ainsi : 19 % étaient captés par des groupes sociaux qualifiés de « non pauvres », 28 % finançaient les coûts de fonctionnement du système et 43 % étaient détournés.
Le gouvernement devra impérativement s’attaquer à cette rente siphonnée par un véritable complexe d’intérêts acquis s’il veut améliorer réellement le quotidien des laissés-pour-compte de la croissance indienne.
Source : Le Monde
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Leschroniquesderorschach
Elles sont ou les ressources agricoles pour nourrir 800 millions de gens ?
RépondreSupprimerBientôt, ils vont être aussi nombreux qu'en chine sur un plus petit territoire, c'est juste délirant et c'est aussi leur responsabilité.