Des chercheurs ont démontré que des particules sont capables de se déplacer plus vite que la lumière : les neutrinos. Une expérience qui, si elle est confirmée, défie la physique moderne. Explications d'Éric Gourgoulhon, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la relativité.
Par Eric Gourgoulhon Dir. de recherche CNRS
Edité par Julie Rasplus Auteur parrainé par Amandine Schmitt
C'est la première fois que nous avons une annonce aussi sérieuse de dépassement de la vitesse de la lumière. Les chercheurs ont d'ailleurs réfléchi plusieurs mois avant de la dévoiler. Les neutrinos en question ont été produits par un accélérateur du CERN, près de Genève, et ont été détectés à 730 km de là, dans un laboratoire situé dans le tunnel du Gran Sasso, en Italie centrale.
Les neutrinos étant des particules qui interagissent très peu avec la matière, ils ont voyagé en ligne droite et traversé sans problème les obstacles tels que les montagnes. Par rapport au temps qu'aurait mis la lumière pour parcourir la même distance, les neutrinos sont arrivés avec une avance de 60 nanosecondes (60 milliardièmes de seconde). Cela correspond à une vitesse égale à 1,00002 fois la vitesse de la lumière (c = 299 792, 458 km/s). La différence n'est certes pas très grande, mais lourde de conséquences pour la physique contemporaine.
Il faudra néanmoins conduire d'autres expériences pour confirmer ce résultat : une erreur n'est jamais exclue. L'expérience repose sur deux mesures clés : la distance entre le CERN et le laboratoire du Gran Sasso, qui a été déterminée à 20 cm près, et le temps de parcours des neutrinos, soit 2,4 millisecondes chronométrées à 7 nanosecondes près. À ce niveau de précision, les sources d'erreur sont très nombreuses ! Les chercheurs ont dû estimer toutes les erreurs résiduelles et effectuer une analyse statistique poussée.
La collaboration a impliqué près de deux cents physiciens et les mesures ont été effectuées sur trois années consécutives, de 2009 à 2011. Depuis quelques mois, l'équipe a fait appel à des experts extérieurs pour des vérifications supplémentaires. Tout cela laisse à penser que si un effet n'a pas été pris en compte et pourrait infirmer le résultat, il ne s'agit pas de quelque chose de trivial. Il convient à présent qu'une autre équipe, par exemple aux États-Unis ou au Japon, renouvelle l'expérience.
Rappelons que la difficulté principale d'une telle mesure est que les neutrinos interagissent très peu avec la matière. Par exemple, la plupart des neutrinos traversent la Terre comme si elle n'était pas là. On ne détecte donc qu'une infime partie des neutrinos produits.
Soulignons qu'une expérience de mesure de la vitesse des neutrinos avait déjà été conduite en 2007 aux États-Unis depuis un accélérateur de particules au Fermilab. Les résultats étaient similaires. Mais les barres d'erreur étaient trop grandes et cela n'a eu aucun retentissement. À la lumière des résultats présents, peut-être était-ce un premier indice ?
Une particule méconnue
Il faut savoir que le neutrino est une des particules les moins bien connues, contrairement à l'électron ou au proton, par exemple. Son existence a été prédite en 1930 par Wolfgang Pauli pour expliquer la perte d'énergie observée dans des réactions nucléaires de décroissance radioactive. Il a fallu attendre 1956 pour sa première détection. Depuis, malgré de nombreuses études, ses propriétés, dont sa masse, sont relativement mal connues.
Le neutrino n'est pas une particule rare. Le Soleil en émet énormément, ainsi que tous les matériaux radioactifs, comme l'uranium. Notre corps est en permanence traversé par le flux de neutrinos en provenance du Soleil. Mais en raison de la faiblesse de leur interaction avec la matière déjà mentionnée, les neutrinos sont totalement inoffensifs pour l'homme.
Le problème posé par la découverte annoncée est que la physique moderne repose sur la théorie de la relativité, pour laquelle la vitesse de la lumière a un statut bien particulier : elle entre dans la définition de la structure de l'espace-temps. Pour des particules "ordinaires", il s'agit d'une limite infranchissable : il faudrait une quantité d'énergie infinie pour atteindre la vitesse de la lumière avec une fusée. Par contre, la relativité n'interdit nullement d'avoir des particules qui se déplacent plus vite que la lumière ; simplement, ces dernières sont condamnées à toujours voyager ainsi ! Pour elles, la barrière est dans l'autre sens : il faudrait une énergie infinie pour les ralentir sous la vitesse de la lumière. Ces particules hypothétiques ont été baptisées tachyons par les physiciens théoriciens. Le neutrino pourrait ainsi être le premier tachyon découvert !
Cependant, la comparaison des mesures actuelles avec des contraintes obtenues précédemment montre que le neutrino n'a pas les propriétés d'un tachyon standard. Si la découverte du Gran Sasso est confirmée, il y a donc un intense travail théorique à mener. Le modèle standard de la physique des particules serait alors à revoir.
Pas de rejet total de la relativité
Mais, au delà de la physique des particules, on ne peut exclure qu'une telle découverte remette en cause notre vision de l'espace-temps, qui repose sur la théorie de la relativité. Ça peut aller très loin ! Soulignons cependant que la relativité fonctionne très bien dans beaucoup de domaines de la physique des particules et de l'astrophysique, où elle a été testée avec une précision remarquable. Si remise en question il y a, ce ne sera donc pas un rejet total mais l'absorption dans une théorie plus fine. Tout comme la relativité elle-même avait englobé la théorie de Newton au début du XXe siècle. Ainsi procède la physique: les théories ne sont pas des dogmes ; elles sont perpétuellement remises en question par des découvertes expérimentales et évoluent, parfois progressivement, d'autres fois au travers d'une révolution.
Source: Sott
Il ne faudrait pas oublier que tesla avait déjà prévu vers 1930, sans le comprendre parfaitement, que des particules puissent aller plus vite que la lumière... Qu'avait t'il découvert d'autres?
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