L’allégation était aussi claire qu’effrayante : derrière la façade distinguée de l’un des plus célèbres immeubles de Londres, les enfants ont subi des abus à l’échelle industrielle.
Chaque week-end des groupes de garçons vulnérables issus de foyers locaux ont été introduits clandestinement à une adresse au Dolphin Square, Pimlico. Là, après avoir été drogués avec de l’alcool, ils ont subi des agressions sexuelles écoeurantes..
Le réseau pédophile orchestrant ces crimes avait, au fil du temps, venu à croire qu’il jouissait de l’impunité, c’est qu’un dénonciateur a dit à la police à l’époque.
En effet, il a été dit que les membres incluaient une section des politiciens les plus influents de Grande-Bretagne.
« On m’a signalé spécifiquement que nous avions affaire à des députés conservateurs », c’est ce que le lanceur d’alerte, John Mann, m’a rappelé cette semaine. « C’est une des choses qui ressortait d’après moi. »
« L’autre chose était de savoir à quel point c’était violent et ce qu’on pouvait entendre. Il était question de bruits de chiens et de coups. Je le décrirais comme quelque chose de vraiment horrible; le genre de choses que vous n’oubliez pas facilement. »
Mann, qui est maintenant un éminent député du parti travailliste, a été confronté à l’origine à des réclamations pour sévices au Dolphin Square en 1988, quand il était un jeune conseiller ambitieux dans le quartier sud de Londres de Lambeth.
À l’époque, il menait une enquête sur la corruption endémique dans le département de l’habitation au Conseil de l’aile gauche, où des millions de livres issues de l’argent des contribuables avaient été siphonnées par le biais de contrats de construction véreux.
« L’endroit était pourri jusqu’à la moelle » se souvient-il.
« Je menais une équipe de trois ou quatre employés sur cette affaire. L’ampleur de la corruption était énorme. Il s’agissait de bandes criminelles. Deux de nos sources étaient des chauffeurs pour Charlie Richardson [le gang rival Krays]. »
Au cours de cette enquête de 18 mois, Mann avait toutefois découvert des preuves d’un genre très différent de la criminalité organisée: à savoir qu’un groupe obscure lié à la fraude du secteur du bâtiment avait également effectué du chantage sexuel au moyen d’enfants.
«Mon équipe avait reçu des dénonciations de toutes sortes » , dit-il. « Mais celle-ci était particulièrement très précise. On nous a dit que les jeunes garçons des foyers de Lambeth avaient été recrutés comme « garçons à louer ». Beaucoup sont allés au Dolphin Square. »
« On l’a appris de plusieurs sources. C’était très précis : il y avait là des orgies sexuelles, et elles impliquaient des députés conservateurs ».
Initialement, Mann dit qu’il « ne pouvait pas aller de l’avant » avec cette information, puisque « les crimes sexuels n’étaient pas des choses sur lesquelles nous devions enquêter ».
Mais très vite, réalisant la gravité de la situation, il a décidé de convoquer une réunion avec deux officiers du poste de police de Streatham au sud de Londres.
« Je leur ai dit tout, et ils ont promis d’examiner cela de près », dit-il.
Jusqu’ici, rien de compliqué. Mais trois mois plus tard, Mann entendit frapper à la porte de son bureau à South Lambeth Road. C’était les deux policiers. Ils se sont excusés, mais ils m’ont dit qu’ils avaient été contraints de clôturer l’ensemble de leur enquête », rappelle Mann.
« Ils avaient été obligés de laisser tomber. Des pressions étaient venues d’en haut dans le service de police. Il ne pouvait rien faire à ce sujet. Ils étaient très déçus. »
En plus de cela, le scandale sexuel du Dolphin Square impliquant des enfants de 1988 a été mis sous le tapis.
Et là, il aurait très bien pu resté ainsi si il n’y avait pas eu une extraordinaire série d’événements qui ont commencé exactement à 12h06 vendredi dernier.
C’est alors que la police métropolitaine a publié un communiqué de presse révélant qu’une enquête, avait été ouverte pour « l’homicide potentiel », liée à un réseau pédophile de haut niveau soupçonné d’avoir opéré au Dolphin Square et en d’autres endroits il y a 30 ans.
Des nouvelles de l’enquête, l’opération Midland, sont ressorties grâce à une victime présumée, connue sous le nom de « Nick », qui a donné deux interviews poignantes détaillant son calvaire aux mains de « gens très puissants qui contrôlent ma vie pour neuf années.. ».
S’adressant à la BBC, Nick a raconté comment il avait été à l’origine « remis » au groupe par son propre père, un pédophile actif, à la fin des années 1970.
« Ils ont engendré une peur qui a pénétré chaque partie de mon être », dit-il.
« Je n’ai jamais connu une telle douleur. J’espère que je n’expérimenterais plus jamais ça ».
Le groupe était « très organisé » et incluait les principaux membres des services judiciaires, militaires, et de sécurité, en plus de politiciens. Il était à même d’embaucher des chauffeurs pour transporter des victimes jusqu’aux orgies sexuelles ou « séances ».
Après plusieurs heures de beuverie, les « séances » se transformaient en «moments privés», où « vous deviez effectuer diverses pratiques sexuelles, mais cela aboutissait toujours à des viols ».
À certaines occasions, les événements prenaient une tournure encore plus sombre. Dans une interview avec Exaro, un site d’investigation, Nick fait une déclaration extraordinaire à savoir, qu’en plus des victimes abusées, le gang avait tué au moins trois d’entre eux.
Il se souvient d’avoir vu un petit garçon, assassiné en présence d’un ancien ministre du gouvernement Tory, et un autre étouffé par un député conservateur dans une maison du centre de Londres.
« J’ai regardé tout ce qui s’est passé. Je ne sais pas comment je suis sorti de là », a-t-il dit.
La troisième assassinat aurait eu lieu en plein jour dans une rue dans le sud-ouest de Londres en 1979, quand un membre du groupe a délibérément renversé et tué un garçon âgé entre 11 et 12 ans.
Nick, qui prétend avoir visité Dolphin Square à au moins dix reprises (il se rappelle ses « les couloirs faiblement éclairés et imprégnés de moisi »), et a fourni à l’Opération Midland un compte rendu écrit de son calvaire après avoir été largement interrogés par les enquêteurs, leur transmettant les noms du député conservateur et du ministre du Cabinet.
Il a également identifié un troisième agresseur, Sir Peter Hayman, un ancien diplomate éminent membre du Paedophile Information Exchange, un groupe de pression pro-pédophile approuvé à l’époque par le Conseil national pour les libertés civiles, géré à l’avenir par les hauts responsables du parti travailliste Harriet Harman, Jack Dromey et Patricia Hewitt.
Les trois garçons identifiés par Nick ne sont sans doute pas les seules victimes présumées à présent sur le radar de l’opération Midland.
Le mercredi, par exemple, le père de Vishal Mehrotra, un garçon de huit ans, assassiné dans les années 1980, a rendu publique l’affirmation comme quoi son fils aussi est mort aux mains d’un réseau pédophile du Westminster.
Vishambar Mehrotra, un magistrat à la retraite, a déclaré au Daily Telegraph comment il a reçu un appel téléphonique anonyme suite à la disparition de son fils dans une rue de Putney en Juillet 1981.
Ceci a été colporté prétendument par un prostitué qui pensait que Vishal avat été pris au Elm Guest House, un bordel gay dans les environs de Barnes qui aurait été fréquenté par des délinquants sexuels haut-placés, dont plusieurs figures sont désormais impliquées dans le scandale du Dolphin Square.
À l’époque, M. Mehrotra a passé un appel de 15 minutes enregistré avec des détectives, mais il affirme qu’ils n’ont jamais correctement enquêté sur l’allégation.
Des partie du corps de Vishal ont été découvertes dans un bosquet à West Sussex en Février 1982. Ses jambes, son bassin et la colonne vertébrale inférieure manquaient, ainsi que ses vêtements et son caleçon Superman.
« Maintenant, il est clair pour moi qu’il y a eu un énorme cover-up », a déclaré M. Mehrotra. « Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. »
L’idée même que des hommes cultivés aient tué des petits garçons pour leur plaisir sexuel peut sembler bizarre, mais ce n’est pas sans précédent.
Dans une affaire judiciaire notoire datant de 1989, Sidney Cooke et trois autres membres d’un gang de pédophiles surnommé The Dirty Dozen ont été reconnus coupables d’avoir tué un garçon de 14 ans, Jason Swift, après l’avoir violé.
Cooke a ensuite été accusé par l’un de ses co-accusés dans cette affaire, Leslie Bailey, d’avoir également été impliqué en 1984 dans l’enlèvement, le viol et le meurtre d’un garçon de sept ans, Mark Tildesley, bien que seulement Bailey ait été finalement inculpé, après avoir plaidé coupable concernant l’homicide de Mark.
On pense que les policiers ont tenté récemment (sans succès) de persuader Cooke, âgé maintenant de 87 ans, de les aider à résoudre des enquêtes récentes. Il aurait refusé de donner son aide et n’est pas censé avoir eu des liens personnels avec les députés, les juges ou d’autres personnalités.
Où qu’ils conduisent, les développements de cette semaine devront, néanmoins, ajouter du poids aux revendications – divulguées dans un premier temps par le député travailliste Tom Watson en Octobre 2012 – selon lesquelles un « réseau pédophile puissant » avec des liens avec le Parlement opérait en toute impunité dans les années 1970 et 1980, à l’aide des amis occupant des positions élevées pour rester à l’abri de la loi.
Plusieurs personnalités issues des trois principaux partis ont jusqu’à présent été impliqués dans le scandale, notamment Cyril Smith, parlementaire démocrate libéral de Rochdale, et Sir Peter Morrison, secrétaire privé de Margaret Thatcher.
L’ancien ministre de l’Intérieur Leon Brittan, a, quant à lui, été accusé d’ignorer ou d’enterrer un dossier, que lui a donné le député conservateur Geoffrey Dickens en 1983, qui nommait huit députés en tant que membres du réseau de protstitution. Il nie l’allégation.
Au cours de la dernière année, j’ai consacré beaucoup de mon temps à enquêter sur ces scandales sexuels sur mineurs, ainsi que d’autres impliquant le Paedophile Information Exchange, le travailliste Lord Janner, et le député conservateur Sir Nicholas Fairbairn.
Alors qu’une preuve définitive est encore à émerger, le nombre surprenant de parallèles entre les affaires, et le poids des revendications souvent bizarres à leur centre, me laisse peu de doute qu’une sorte de réseau pédophile lié à l’Establishment existait en Grande-Bretagne dans les années 1970 et 1980. Il semble d’ailleurs beaucoup trés probable que ses membres ont été protégés par les services de sécurité.
Dans cet esprit, trois enquêtes de police sont dûment en cours: l’Opération Midland, l’Operation Fernbridge (se concentrant sur Elm Guest House) et l’Opération Fairbank (se focalisant sur les personnalités politiques). Une quatrième, l’Opération Cayacos, scrute le regretté Peter Righton, un travailleur social influent et condamné pour pédophilie.
Une source ayant connaissance de leur progrès m’a dit cette semaine que les enquêteurs croient actuellement que les appartements de pédophiles haut-placés au Dolphin Square ont été utilisés comme un « point de livraison » pour les jeunes prostitués.
« Des enfants ont été amenés et ont souvent pris part aux soirées là-bas, mais ils étaient parfois également transportés au Dorchester, ou au Ritz ou d’autres adresses dans le centre de Londres », dit-il.
« Ils étaient comme des morceaux de viande à l’arrière d’une voiture. Le Dolphin Square était un point de ralliement très pratique et discret. »
Ce vaste complexe de 1250 appartements sur un terrain de 7,5 hectares à proximité de la Tamise a été construit en 1937 pour fournir des logements à des individus décrits comme des « nototoriétés dans la vie publique ou dans la société ».
Parmi les derniers locataires on trouve le leader politique d’extrême droite Oswald Mosley, Harold Wilson, Christine Keeler et la princesse Anne, qui (après avoir déménagé) aurait affirmé être fatigué des « voisins curieux, du bruit de la circulation et de la vue de prostituées exerçant leur métier à proximité ».
À la fin des années 1980, il abritait 51 députés, 16 notables, 12 généraux et 6 amiraux. Plus récemment, certains parlementaires célèbres comme William Hague, Alastair Darling Malcolm Rifkind, Menzies Campbell et Mo Mowlam en ont fait leur domicile.
Le Dolphin Square, à quelques centaines de mètres de la Tamise et du Parlement, a toujours contenu ses propres magasins, restaurants et installations de loisirs, mais – exceptionnellement – n’a pas été cloturé, ce qui signifie que les personnes de l’extérieur pouvaient aller et venir. Certaines de ses unités pouvaient également être louées à court terme, les rendant parfaits pour que les non-résidents puissent y tenir des soirées décadentes ou mener des affaires en toute discrétion.
Intrigant à la lumière des récents événements est le fait que, en 1994, un magazine à faible tirage appelé Scallywag a publié un long article détaillant des rumeurs au sujet de politiciens qui abusaient des enfants au Dolphin Square pendant 20 ans.
« Nous avons souvent des garçons mineurs qui errent, totalement perdus, recherchant un appartement particulier » c’est ce qu’une source aurait déclaré.
Scallywag était, cependant, tout le contraire d’une source fiable. Il avait acquis une notoriété en 1993 après avoir été poursuivi en justice par le Premier ministre John Major après avoir signalé les rumeurs totalement fictives qu’il avait reçu d’un traiteur de Downing Street.
Sa couverture du Dolphin Square a également été ébranlée par des erreurs factuelles. En effet, il se basait sur la fausse prémisse que tout un réseau de pédophiles était dirigé par l’ancien trésorier du gouvernement Tory, Lord McAlpine.
Une seule source a été nommée pour cette allégation très grave: un ancien résident d’un foyer appelé Steve Messham.
En 2012, M. Messham refait surface dans l’émission BBC Newsnight. Il allègue à nouveau qu’il a été abusé par une « personnalité politique », qui a été identifié plus tard sur les réseaux sociaux comme Lord McAlpine, et après avoir vu une photographie du conservateur en question deux jours plus tard il a déclaré qu’il ne s’agissait pas de lui.
La controverse qui a suivi a amené la BBC à payer £ 185 000 de dommages et intérêts, et a conduit à la démission de son nouveau directeur général George Entwistle.
Tout cela illustre parfaitement la difficulté de distinguer la vérité de la fiction lorsqu’il est question de ces histoires d’abus sexuels, avec l’ampleur du défi auquel font face maintenant les enquêteurs si ils veulent réunir des preuves suffisantes pour assurer des condamnations.
Le témoignage de Nick fournit un autre exemple. Un homme professionnel, qui n’a ni de casier judiciaire ou ni de problèmes de santé mentale apparents, est considéré comme un témoin digne de confiance.
Cependant, il n’existe actuellement aucune preuve matérielle ou documentaire pour sauvegarder de nombreux aspects cruciaux de son histoire sur le réseau de prostitution du Dolphin Square (J’ai cherché en vain, par exemple, des articles de journaux contemporains sur un petit garçon ayant été fauché dans une rue de Londres en plein jour).
La police pense ne pas avoir trouvé une personne capable de fournir un témoignage fiable qui corrobore les nombreuses allégations de Nick.
Cela pourrait expliquer pourquoi la BBC a (contrairement au site Exaro) jusqu’à présent arrêter de diffuser certains des aspects les plus explosifs de son histoire, y compris des suggestions comme quoi il a été témoin de meurtres effectués par des conservateurs haut-placés.
Cela peut aussi expliquer pourquoi les policiers ont chois d’annoncer publiquement leur enquête d’assassinat – à croire, peut-être, que la couverture médiatique pourrait être une bonne façon de persuader d’autres victimes de se manifester.
Après toutes ces années même les vagues détails du récit du député travailliste John Mann sont tout aussi difficile à confirmer. Seuls deux membres de la petite équipe qui ont travaillé avec lui à Lambeth seraient toujours en vie. La localisation de l’un d’eux, Hayley Graham, est actuellement inconnue, mais cette semaine, j’ai suivi l’autre, Jack Organ, à Almeira dans le sud de l’Espagne.
Là-bas, ce retraité de 73 ans vit avec sa femme Paula Strudwick, qui est par hasard une ancienne femme de pouvoir ayant en 1997 fait la une des journaux après avoir raconté au News of the World sa longue liaison avec le ministre du gouvernement Tory, Jonathan Aitken.
Organ m’a dit qu’en Septembre, il a été contacté par des agents de police de Londres pour travailler sur l’enquête du scandale du Dolphin Square. Cependant, il était incapable de leur offrir beaucoup d’aide.
« Je me souviens des rumeurs d’abus, impliquant des actes homosexuels dans les foyers pour enfants de Lambeth. On parlait de gens importants ayant été impliqués. Mais il était difficile de cerner quelque chose de spécifique. »
« Les policiers cherchaient des preuves tangibles. Ils m’ont proposé de venir me voir si j’avais quoique ce soit. Je n’arrive pas à me rappeler le genre de détails qu’ils recherchent. »
Le temps nous dira si d’autres résultats d’enquête donnent plus de fruits. La tragédie, bien sûr, c’est que si la police avait ouvert une enquête approfondie il y a 30 ans et que ces allégations avaient été confrontées à l’époque, le sort de Nick et tant d’autres jeunes hommes aurait été pu être très différent.
C’est pourquoi il est vital que cette nouvelle enquête soit tout à fait rigoureuse. C’est alors seulement que le Dolphin Square révèlera enfin ses secrets.
Auteur : Guy Adams, compléments de Rebecca Camber.
Source : DailyMail – 21/11/2014
Traduction : Guilux
Source trouver:
devant tant d'horreur, d'atrocité, je reste sans voix..
RépondreSupprimerquand la reine d'Angleterre, prince Philip et compagnie seront arrêtés ?
RépondreSupprimer