A la mi novembre, un documentaire explosif est passé presque inaperçu à Hollywood. An Open Secret raconte le parcours de quelques enfants acteurs qui ont vite été embarqués dans le système pédophile local. Ce film raconte l'embrigadement de ces victimes, des enfants acteurs, dans le système, la broyeuse du show biz. Un système qui ne date pas d'hier et qui a encore de beaux jours devant lui.
La réalisatrice Amy Berg, qui avait déjà fait un documentaire sur les abus sexuels commis dans l'église catholique [1], a connu quelques déboires avec ce dernier film. En plus des procédures judiciaires lancées par les intéressés, une diffusion pour la presse prévue le 4 novembre a été annulée, et personne ne veut distribuer le film. L'omerta. Si bien que lors de l'avant première le 14 novembre, certains journalistes se demandaient si ce ne serait pas aussi la dernière diffusion du film.
Le documentaire évoque un certain John Connolly, ancien agent du New York police Department qui est devenu journaliste et a tenté de dénoncer le réseau pédophile d'Hollywood il y a 10 ans. Connolly parlait d'un réseau pédophile concernant le milieu hollywoodien, ce qui lui a valu quelques problèmes, notamment avec un "détective privé des stars" sulfureux d'Hollywood, un dénommé Anthony Pellicano qui l'a menacé de mort après ses révélations. Pellicano était, par exemple, l'homme de main de Steven Seagal, qui lui a demandé de faire taire une journaliste (celle-ci enquêtait sur les liens de Seagal avec la mafia).
Quand Pellicano a été inculpé pour plus d'une centaine de chefs d'inculpation [2], tout Hollywood craignait les révélations qu'aurait pu faire ce spécialiste des écoutes téléphoniques. Mickael Jackson avait fait appel à lui pour désamorcer une énième plainte pour des abus sexuels sur mineur. Ceci, alors que le FBI dispose depuis 1989 de preuves concernant la pédophilie de Jackson et ses versements à pas moins de 24 victimes. Mais, Pellicano a aussi travaillé pour le FBI, d'après l'un de ses employés.
De fait, le tabou sur les pédophiles locaux est énorme, et on sait que c'est bien le milieu du show biz qui se débrouille pour que le documentaire An open Secret ne soit pas distribué. Quant aux critiques, elles sont généralement peu favorables.
Le documentaire retrace, via des interviews, les parcours de cinq hommes qui ont été abusés à Hollywood pendant leur adolescence, dont Michael Egan, celui qui a porté plainte contre Bryan Singer le réalisateur de X Men avant de retirer sa plainte. Les cinq victimes cherchaient à devenir acteur, et son tombées sur une agences véreuse et un milieu pourri auquel ils ne s'attendaient pas.
Un nom qui revient souvent dans les propos des témoins est DEN (Digital Entertainment Network), une des premières chaines télé sur Internet aujourd'hui disparue qui avait lancé une programmation à destination des adolescents [3]. Dès le début, elle a bénéficié d'une grande couverture médiatique.
DEM a été créée par le businessman Marc Collins-Rector, un dénommé Chad Shackley et l'ex enfant acteur Brock Pierce. Son président était David Neuman, débauché de chez Disney où il est retourné. En 1999, une première victime porte plaintecontre des membres de la direction de DEM, dont Collins-Rector. Puis en 2000, trois victimes ont encore porté plainte contre Collins-Rector, déclarant qu'il les avait violés de manière répétée à la fin des années 90.
Il a nié mais a réglé des versements à des victimes pour éviter les poursuites, avant de quitter DEM et les Etats-Unis. Shakley et Pierce étaient aussi cités par deux autres jeunes, et ont quitté la boite, qui a coulé, mais ils n'ont fait q'un mois de prison.
A l'époque, les soirées organisées par Collins-Rector dans sa piscine ou sa villa, et où se rendaient de nombreux jeunes du milieu, étaient connues dans tout Hollywood. Et des viols de jeunes y avaient régulièrement lieu. D'ailleurs, le but de ces soirées était justement de trouver un jeune à violer en fin de soirée.
En 2007, les dirgeants de DEN ont encore été dénoncés comme des pédophiles par un autre de leurs "protégés", qui avait tenté de se suicider. Dans la lettre qu'il avait laissée, il avait écrit: "Je ne peux plus continuer. Ils m'ont utilisé comme un objet sexuel. J'ai laissé ces salauds faire toutes ces choses horribles sur moi. Au revoir". Au total, quatre de leurs anciens jeunes acteurs ont proté plainte contre les dirigeants de DEM en 2000.
Et tous les quatre décrivent les mêmes techniques pour parvenir à leurs fins, la même ambiance avec de la drogue, de l'alcool, des gens en vue, les mêmes menaces de mort contre eux et leurs familles.
Bryan Singer, le réalisateur de X Men, a été l'un des financiers de DEM. Un autre des types impliqués dans le documentaire est l'entraîneur Brian Peck, déjà condamné pour des actes pédophiles, et qui continue à travailler à Hollywood.
Michael Egan est cette victime qui a porté plainte cette année contre Bryan Singer, mais qui a fini par la retirer après quelques semaines d'une campagne médiatique assez violente. En 2000, il faisait partie des trois jeunes qui avaient porté plainte contre Collins-Rector, Pierce et Shackley [4].
Egan avait commencé les castings à 12 ans, et il est arrivé à los Angeles l'année suivante. En juin 1998, il entre chez DEM. Puis, on lui présente des investisseurs qui pouvaient booster sa carrière mais aussi le chiffre d'affaires de DEM, parmi lesquels un certain Garth Ancier qui gérait la programmation à la Fox et occupe aujourd'hui un poste élevé chez NBC, ou encore Gary Goddard, producteur à Broadway, et bien-sûr Bryan Singer.
On l'emmène dans des soirées [5], on lui donne des petits rôles, on le fait boire, on le drogue (Valium, Vicodin, Xanax, Percocet, ecstasy...), on l'emmène notamment à Hawaï, et il explique avoir été violé par certains de ces types durant près de deux ans, souvent de manière violente. Egan savait que s'il refusait tout cela il ne ferait jamais une carrière à Hollywood, il dit qu'il était devenu un robot.
Une fois, on lui a promis un rôle qu'il n'a pas eu, et on lui a dit que c'était parce que l'acteur choisi avait 18 ans afin qu'il puisse tourner plus longtemps sans supervision. Très vite, DEM a fait le forcing pour qu'Egan s'émancipe de ses parents. Sa mère a refusé bien qu'on lui ait proposé des parts dans la boîte, puis DEM s'est cassé la figure suite aux accusations contre Collins-Rector.
Comme beaucoup de victimes, Egan explique qu'il a toujours très peur de ses agresseurs aujourd'hui. Quand il a porté plainte contre Singer en 2014, il savait qu'on ne trouverait pas vraiment de preuves, et que tout ce qu'il dénonçait allait être nié. Avant de quitter la boîte, un avocat lui avait conseillé ainsi qu'à deux jeunes, de collecter des preuves. Ils avaient des photos des différentes drogues, de la pédopornographie, quelques autres éléments.
Egan a été attaqué de tous les côtés, discrédité dans les médias, tandis que ceux qu'il accusait passaient pour les victimes d'une machination. Il a même été menacé et Singer a porté plainte contre lui à son tour. Son avocat, qui l'avait suivi depuis le début, l'a lâché pour les plaintes qu'il venait de déposer. Finalement, Egan a retiré sa plainte contre Singer et les autres, (Garth Ancier, Gary Goddard et David Neuman), et il passe pour un menteur dans tout Hollywood. Cependant, la réalisatrice Amy Berg a décidé de conserver son témoignage dans le documentaire.
D'après la BizParents foundation, qui tente de guider les familles de jeunes acteurs d'Hollywood, il est connu que tous les enfants de show biz ont croisé des pédophiles de très près dans leur carrière au moins une fois, et que des centaines ont été agressés sexuellement. "Quand ils sont dans le tourbillon et qu'ils sont le favori du type, c'est super pendant 6 mois, 2 ans", explique un ancien agent du FBI qui a enquêté sur plusieurs cas à Hollywood, " et puis leurs carrières chutent. Et puis le gars a fini avec toi et ne te rappelle plus. Et tu es en colère".
Un autre enfant acteur, Corey Feldman, a dénoncé depuis quelques années les abus sexuels qui sont banalisés à Hollywood, entraînant des conséquences graves pour les jeunes victimes, comme ce fut le cas pour son copain Corey Haim. Il dit que la police, à qui il a donné les noms des coupables, était parfaitement au courant mais n'a rien fait. "Le problème numéro un d’Hollywood était, est et sera toujours la pédophilie", a-t-il dit.
Il a donné des détails sur ce qu'il a subi à l'époque, mais aussi sur le calvaire de son ami Corey Haim, sodomisé lors d'une pause déjeuner sur le plateau après qu'un homme l'eut convaincu qu'il était normal qu'un jeune garçon et un homme d'Hollywood aient ce genre de relations. Un homme qui est aujourd'hui l'une des personnes les plus en vue et les plus importantes de Los Angeles.
Suite à ces viols, les deux garçons ont été mis au placard, pour, dit Feldman, que personne n'ai à faire à eux. Ajoutons que Feldman, qui a fréquenté aussi Mickael Jackson, considère qu'il s'agissait probablement de la relation la plus "saine" qu'il avait à l'époque.
Alison Arngrim, qui jouait le rôle de Nellie Olson dans "La petite maison dans la prairie", a expliqué qu'à Hollywood, tout le monde savait ce qu'il arrivait à Corey Feldman et à d'autres. Elle a aussi très bien décrit le mécanisme qui attire les pédophiles comme leurs proies à Hollywood, et cela depuis toujours.
En 2012, un autre agent, Marty Weiss, était condamné pour des actes pédophiles sur un adolescent qui était l'un de ses clients, de ses 11 à ses 13 ans, et a fait pour cela 6 petits mois de prison. Une "peine" loin d'être dissusasive pour les autres pédophiles. Weiss avait expliqué à sa victime que c'était une pratique normale à Hollywood.
Il y a aussi l'agent de Leonardo Di Caprio quand il était adolescent, Bob Villard, qui est cité par les cinq témoins du documentaire. Il a été poursuivi ainsi que 9 autres personnes, dans les années 80, pour avoir notamment diffusé de la pédopornographie, mais il n'a pas été condamné faute de preuves. Il a de nouveau été accusé pour la même raison en 2001. Chez lui la police a retrouvé des centaines de photos de gamins dans des poses suggestives qu'il envoyait à d'autres pédophiles. Pour cela, il a pris 3 ans de sursis.
Nouveau passage de Villard au tribunal en 2005, et il nie l'accusation d'avoir agressé un mineur de 13 ans mais prend quand-même 8 ans de prison.
La boite de production Nickelodeon, qui produit des séries destinées aux jeunes, avait carrrément recruté un pédophile condamné à 6 ans de prison pour avoir tourné de la pédoporno comme assistant de casting. On a aussi appris qu'un autre, condamné pour le kidnapping et l'agression d'un enfant de 8 ans, un certain Jason James Murphy, participait aux castings de très grosses productions.
Nickelodéon a engagé un autre pédophile condamné, Ezel Ethan Channel, comme assistant de production, jusqu'à ce qu'il soit de nouveau arrêté quand on a soupçonné qu'il s'en était pris à un adolescent.
En 2011, c'est un compositeur d'Hollywood récompensé d'un award, Fernando Rivas, qui a été condamné pour avoir produit de la pédoporno, et pour l'avoir distribuée.
Mais à chaque fois, c'est à peine si les médias évoquent l'affaire, sans jamais faire de lien entre plusieurs d'entre elles qui pourtant, se déroulent souvent dans le même contexte. Quant à l'affaire Egan, sa mère a tenté en vain de faire parler de son fils dans les médias US, y compris chez Oprah Winfrey et d'autres qui aiment tellement la polémique (remarquez, c'est exactement pareil en france). Et quand certains l'ont fait, ils ont montré un scepticisme totalement disproportionné. Quand Egan a retiré sa plainte, ça a été une véritable aubaine pour tous ceux-là. Quand elle avait alerté la police, rien ne s'est passé.
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