Le ministère de la défense japonais a indiqué, mercredi 9 janvier, qu’il souhaitait bénéficier d’une rallonge budgétaire de 180,5 milliards de yens (1,6 milliard d’euros) pour moderniser quatre avions-chasseurs F15, acheter de nouveaux systèmes antimissiles PAC-3 et des hélicoptères, dans le cadre d’un plan de relance économique préparé par le gouvernement.
Devraient s’y ajouter une trentaine de milliards de yens (25 millions d’euros) supplémentaires pour l’année en cours, mais non inclus dans le train de mesures économiques spéciales.
Plus précisément, le grand quotidien Yomiuri Shimbun indique mercredi que cette hausse répond aussi à plusieurs objectifs dans un contexte où 40 % des
- dépenses de défense vont aux frais de personnel ;
- assurer le paiement des coûts du carburant et de maintenance pour les avions d’alerte précoce et de contrôle aérien ;
- permettre la recherche sur la technologie radar capable de détecter des petits avions à longue distance ;
- permettre les préparatifs pour l’introduction au Japon de l’avion de transport MV-22 Osprey de l’armée américaine. Cet avion à décollage vertical peut voler plus loin et plus vite que les hélicoptères actuels du Japon, permettant à ses troupes d’atteindre plus facilement les îles japonaises lointaines.
Cette annonce du ministère de la défense japonais intervient au lendemain de l’annonce par le Parti Libéral Démocrate (PLD, conservateur) – de retour au pouvoir depuis le 26 décembre 2012 sous la direction du premier ministre Shinzo Abe – que le Japon devrait augmenter ses dépenses militaires pour l’année budgétaire 2013-2014, qui commence au 1er avril. Avec cette rallonge, le budget de la défense devrait s’élever autour de 4 700 milliards de yen, soit 41 milliards d’euros.
La demande du ministère de la défense doit encore être approuvée par celui des finances avant d’être incluse dans le « paquet » de relance de plus de 110 milliards d’euros pour l’année courant jusqu’au 31 mars. Le tout doit être annoncé prochainement par le gouvernement de Shinzo Abe. Mais le PLD et son allié-clé, le parti Nouveau Komeito, ont remporté 325 sièges (sur 480) à la Chambre basse lors des élections générales le 16 décembre dernier, ce qui signifie que le parti au pouvoir pourrait faire passer ses projets budgétaires à la Diète (le Parlement) même s’ils se voyaient opposer un veto à la Chambre haute.
Hausse modeste mais tournant politique
Le budget militaire n’avait pas connu de hausse depuis 2002, alors que le Japon traîne une dette colossale équivalant à près de 240 % de PIB. La hausse est certes modeste, notamment par rapport à celle que connaît le budget de la défense chinois, habitué aux taux de croissance à deux chiffres. Néanmoins, elle marque un tournant dans la politique de défense japonaise. Sur l’exercice budgétaire en cours, le budget de la défense japonais a subi une dixième année de baisse consécutive, à 4 650 milliards de yens (40 milliards d’euros environ).
La hausse est symbolique de la volonté des nouveaux dirigeants nippons d’affirmer la position régionale du Japon, en période de tension avec le grand voisin chinois, ainsi qu’avec la Corée du Sud, à un degré moindre. « Nous avons besoin d’améliorer nos équipements à un moment où l’environnement sécuritaire du Japon est devenu plus dur : la Corée du Nord a procédé à deux lancements tests de missiles l’année dernière, et les tensions avec la Chine se poursuivent », a précisé mercredi à l’AFP un responsable du ministère de la défense.
Les relations sino-japonaises sont très mauvaises depuis quatre mois à cause d’un conflit territorial en mer de Chine orientale. Pékin clame vigoureusement sa souveraineté sur les îles Diaoyu, tandis que Tokyo, qui les administre sous le nom de Senkaku, n’entend pas en céder un pouce. Pékin envoie régulièrement des navires patrouiller dans les eaux territoriales de cet archipel inhabité à 200 km au nord-est des côtes de Taïwan et 400 km à l’ouest de l’île d’Okinawa (sud du Japon).
Lundi 7 janvier, quatre navires de surveillance maritime chinois sont entrés dans les eaux territoriales japonaises. La Chine a même envoyé fin décembre un appareil survoler l’archipel, ce qui a provoqué le décollage immédiat de chasseurs nippons. Un avion chinois a approché ces îles le 6 janvier. Outre sa position hautement stratégique, l’archipel recèlerait des hydrocarbures dans ses fonds marins. A la suite de la dernière incursion maritime, lundi, Tokyo a convoqué mardi l’ambassadeur chinois en poste au Japon.
Réarmement ou remilitarisation ?
Cette hausse du budget japonais est une traduction de l’engagement et de la volonté du premier ministre de renforcer la défense de son pays. Le budget militaire japonais est déjà le sixième de la planète, et le Japon a l’une des armées les plus grandes et les plus avancées en Asie, mais il a maintenu jusqu’à présent un profil bas pour éviter de remuer des souvenirs des exactions commises par l’empire japonais au XXe siècle, notamment en Chine et en Corée. Aussi cette évolution nouvelle questionne. Assiste-t-on à un réarmement du Japon, voire à une remilitarisation de l’archipel nippon ?
Le réarmement est en réalité à l’œuvre depuis de nombreuses années, comme le montrent l’acquisition récente, programmée sur plusieurs années, de 42 avions de chasse américains furtifs F-35 à plus de 100 millions de dollars l’unité, l’augmentation – prévue par le pouvoir précédent – du nombre de sous-marins, passant de 16 à 22, ou encore l’acquisition de destroyers porte-hélicoptères aux dimensions de porte-avions.
A cela s’ajoute la volonté d’acheter des drones d’observation américains Global Hawk, comme le rapporte la revueJane’s Defence Weekly, le 2 janvier, afin de renforcer la surveillance des eaux territoriales japonaises ou encore la coopération croissante en matière de défense antimissiles balistiques avec l’allié américain.
Changement de doctrine
A cette modernisation des moyens et équipements s’ajoute l’évolution de la doctrine de défense japonaise, qui devrait être modifiée assez rapidement. Le Japon reverra sa politique de défense et ses programmes d’achats militaires d’ici à la fin de l’année, écrit ainsi mardi 8 janvier le quotidien Yomiuri. L’actuel livre blanc de la défense japonaise remonte à deux ans. Adopté pour une période de dix ans par le Parti démocrate alors au pouvoir, il prône des réductions dans le budget de la défense et dans les effectifs de l’armée de terre, dont les effectifs devaient diminuer de 1 000 hommes, à 154 000.
Cette politique de défense a été critiquée par Shinzo Abe. Il défend une augmentation des dépenses militaires et des effectifs des forces japonaises. Il milite également pour une révision de la Constitution pacifiste du Japon, en vigueur depuis 1947. Remilitarisation, donc ? Un terme difficilement applicable, tant la population reste profondément attachée au pacifisme. Mais l’opinion publique semble bel et bien souhaiter une réaffirmation de la place du Japon sur la scène internationale et régionale.
D’ailleurs, selon le site The Diplomat, le Japon envisage aussi maintenant plusieurs scénarios de guerre avec la Chine, notamment autour des îles Senkaku, mais aussi sur Taïwan, si l’île venait à être attaquée par Pékin. D’après le Yomiuri, le programme quinquennal d’acquisitions de matériels militaires sera également revu dans le même délai, ajoute le quotidien.
Cela ne va pas tempérer la course régionale aux armements. Selon une étude publiée en octobre dernier par le Center for Strategic and International Studies (CSIS), un think tank américain, les dépenses de défense dans les pays d’Asie qui y consacrent le plus gros budget – Chine, Inde, Japon, Corée du Sud et Taïwan – ont pratiquement doublé en dix ans, quadruplant en Chine. Le total des budgets militaires de ces cinq pays a atteint 224 milliards de dollars en 2011, estimait le CSIS.
Avec la volonté du Japon de relancer son budget militaire, l’acquisition d’équipements militaires de plus en plus performants va se poursuivre au plan régional, et d’autant plus qu’au nord de l’Archipel nippon, la Russie modernise ses forces, et notamment la flotte du Pacifique, et que le budget de la défense japonais ne représente que 1 % du PIB. Il a donc encore de la marge pour éventuellement s’accroître, au risque d’attiser encore les tensions…
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