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samedi 17 septembre 2011

Lybie : Après les bombes le chaos.


Les « rebelles de l’OTAN » ont toujours assuré qu’ils ne voulaient pas d’occupation étrangère. Mais l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord - qui a rendu la victoire possible - n’a pas les moyens de contrôler la Libye sans y mettre ses bottes. Alors plusieurs scénarios sont actuellement en cours de marchandage au siège de l’OTAN, à Mons en Belgique - sur des coussins de velours fournis par les Nations Unies.

Selon ce qui en a déjà filtré, il pourrait tôt ou tard y avoir des troupes des monarchies du Golfe Persique et d’alliés bien disposés comme la Jordanie et la Turquie, cette dernière étant membre de l’OTAN et également très désireuse d’avoir un grand sac rempli de contrats commerciaux. Pratiquement aucun pays d’Afrique ne sera de la partie - la Libye étant désormais « délocalisée » en Arabie saoudite.

Le Conseil national de transition (CNT) marchera dans la combine - ou y sera forcé - si, ou quand, la Libye sombrera dans la spirale du chaos. Pourtant, ce sera extrêmement difficile de vendre cette idée [de troupes au sol] car les factions disparates et désorganisées des « rebelles de l’OTAN » sont en train de consolider dans la précipitation leurs fiefs et s’apprêtent à se retourner les unes contre les autres.

Il n’y a aucune preuve ni aucun indice à ce jour que le CNT soit capable - en dehors de faire des génuflexions devant l’autel des nations membres de l’OTAN - de gérer un paysage politique aussi complexe à l’intérieur de la Libye.

Pas de roses mais des pistolets

Pratiquement tout le monde en Libye est maintenant armé jusqu’aux dents. L’économie est paralysée. Des chats enragés se disputent le contrôle des milliards de dollars libyens à présent « dégelés ».

La tribu Obeidi est furieuse contre le CNT du fait qu’il n’y a eu aucune enquête sur le meurtre d’Abdul Fattah Younis, le commandant de l’armée rebelle assassiné le 29 Juillet. Les membres de la tribu ont déjà menacé de rendre justice eux-mêmes.

le principal suspect dans ce meurtre est la brigade Abu Ubaidah bin Jarrah - une milice fondamentaliste islamique radicale qui a rejeté l’intervention de l’OTAN et a refusé de combattre sous le contrôle du CNT, qualifiant à la fois le CNT et l’OTAN d’« infidèles. »

Puis il y a la question explosive : à quel moment les groupes combattants islamiques de Libye (GICL)- la nébuleuse Al-Qaïda - organiseront-ils leur propre putsch pour prendre le contrôle du CNT ?

Dans tout Tripoli se retrouvent les images de l’enfer des milices en Irak. L’ancien agent de la CIA et ancien détenu de la « guerre contre le terrorisme », le général Abdelhakim Belhaj - qui vient du cercle de Derna, le point zéro de l’intégrisme islamique en Libye - est le dirigeant du tout nouveau Conseil militaire de Tripoli.

Des accusations ont déjà été lancées par d’autres milices selon lesquelles celui-ci n’a pas lutté pour la « libération » de Tripoli et qu’il devait quitter son poste - que le CNT dise oui ou non. Cela signifie essentiellement que la nébuleuse GICL-al-Qaïda, tôt ou tard, peut se transformer en un bras d’une guérilla se battant contre le CNT, ou contre d’autres milices, ou contre les deux.

A Tripoli, les rebelles venus de Zintan, dans les montagnes de l’Ouest, contrôlent l’aéroport. La banque centrale, le port de Tripoli et le bureau du Premier ministre sont contrôlés par les rebelles de Misrata. Les berbères de la ville de Yafran dans les montagnes contrôlent la place centrale de Tripoli, maintenant couverte de slogans peints à la bombe sur les « révolutionnaires de Yafran. » Tous ces territoires sont clairement vus comme autant d’avertissements.

Alors que le CNT, comme entité politique, se comporte déjà comme un canard boiteux et que tout simplement les milices ne disparaîtront pas, il n’est pas difficile d’imaginer la Libye devenant un nouveau Liban. La guerre au Liban a commencé au moment où Beyrouth a été découpé en quartiers sunnites, chiites, chrétiens maronites, nassériens et druzes.

La libanisation de la Libye illustre en première ligne la mortelle tentation islamiste - qui se répand comme un virus dans tout le printemps arabe.

Au moins 600 salafistes, qui avaient combattu dans la résistance irakienne sunnite contre les Etats-Unis, ont été libérés de la prison d’Abou Salim à Tripoli par les rebelles. Il est facile de les imaginer empilant les kalachnikovs et des missiles portables russes SAM-7 anti-aériens, afin de renforcer leurs propres milices islamistes - appliquant leur propre programme et leurs propres objectifs de guerre.

Bienvenue dans notre « démocratie » raciste

L’Union africaine (UA) ne reconnaît pas le CNT. En fait, elle accuse les rebelles de l’OTAN de tueries d’Africains noirs, tous présentés comme des « mercenaires. »

Selon Jean Ping [président de la commission de l’Union Affricaine] : « ... le CNT semble confondre peuple noir et mercenaires ... [Ils semblent penser que] tous les Noirs sont des mercenaires. Si vous faites cela, cela signifie qu’un tiers de la population de la Libye qui est noire est également composée de mercenaires. »

Le petit port de Sayad, 25 kilomètres à l’ouest de Tripoli, est devenu un camp de réfugiés pour les Africains noirs terrorisés dans la « libre Libye. » Médecins Sans Frontières a découvert le camp le 27 août. Les réfugiés disent qu’ils ont commencé depuis février à être expulsés par les propriétaires des entreprises où ils travaillaient, accusés d’être des mercenaires - et ils ont été constamment harcelés depuis.

Selon le mythe véhiculé par les rebelles, le régime de Mouammar Kadhafi était essentiellement protégé par des murtazaka (mercenaires). La réalité est que Kadhafi n’a employé qu’un seul contingent de combattants noirs africains - en provenance du Tchad, du Soudan et avec des Touaregs du Niger et du Mali. La majorité des noirs Africains subsahariens en Libye sont des travailleurs migrants occupant des emplois reconnus.

Pour comprendre, il faut contempler le désert. L’immense désert du sud de la Libye n’a pas été conquis par l’OTAN. Le CNT n’a accès à pratiquement aucune des ressources en eau de la Libye et une large partie des champs pétroliers lui échappe.

Kadhafi a la possibilité « d’agir dans le désert », de négocier avec un certain nombre de tribus, d’acheter ou de consolider leur allégeance et d’organiser une puissante guérilla.

L’Algérie est engagée dans une guerre sale contre Al-Qaïda au Maghreb. Les 1000 kilomètres de la vaste et poreuse frontière entre l’Algérie et la Libye restent ouverts. Kadhafi peut facilement construire sa guérilla dans le sud du désert libyen tout en bénéficiant d’un refuge sûr en Algérie - ou encore au Niger. Le CNT est déjà terrifié à cette idée.

L’opération « humanitaire » de l’OTAN a lâché au moins 30000 bombes sur la Libye au cours de ces derniers mois. On peut dire avec certitude que plusieurs milliers de Libyens ont été tués dans ces bombardements. Et ces bombardements ne sont pas prêts de s’arrêter. Bientôt l’OTAN visera peut-être certains de ceux - civils ou non - qu’elle était en théorie chargée de « protéger » jusqu’à il y a quelques jours.

Une défaite de Big K peut se révéler être encore plus dangereuse que son maintient au pouvoir. La vraie guerre commence maintenant. Ce sera infiniment plus dramatique - et tragique. Parce qu’il y aura en Afrique du Nord une guerre de tous contre tous.

* Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007) et Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge. Son dernier livre vient de sortir ; il a pour titre : Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009).

Source: Rustyjames

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